Charles Wilson et les élèves du Lycée de Winchester (Kentucky)


Charles E. Wilson débarque avec son char à Utah Beach le 6 juin. Il combat avec la 4e Division d’infanterie jusqu’en Allemagne. Le 29 avril 1945, il découvre Dachau…

Pouvez-vous nous raconter votre Débarquement ?
Après 25 heures d’attente à Portsmouth, nous sommes partis pour une lente traversée de la Manche. Ça nous a paru une éternité. Sur notre navire, la question se posait encore de savoir si l’attaque aurait lieu dès le 6 juin ou pas. Nous avions pour objectif de faire la jonction avec la 101e Airborne.
Quand nous avons débarqué sur la plage avec les chars, ça tirait de partout. Mais ça n’avait rien à voir avec la boucherie d’Omaha. Surtout, nous avions l’avantage sur les Allemands. Avec notre mitrailleuse située sur le dessus du char, nous mettions dans le mille à chaque fois. Notre officier est passé et nous a dit « Bon boulot, les gars ! »

Quelle fut votre première impression en arrivant à Utah Beach ?
C’est l’appréhension qui dominait. Depuis notre arrivée à Liverpool à la fin de l’année 1943, nous ne savions rien, ni sur ce que nous allions faire, ni sur le lieu où cela allait se dérouler. On savait juste que les Allemands nous attendraient. Mais une fois sur place, chaque homme était prêt. Je n’en étais pas moins effrayé.

Maison par maison

Comment s’est passée la prise de Cherbourg ?
Après avoir combattu à Sainte-Mère-Eglise, nous nous sommes dirigés vers Cherbourg. Même si le commandement allemand a signé un acte de reddition le 26 juin, il a encore fallu débarrasser la ville de ses occupants dont certains continuaient de résister. Ça s’est fait maison par maison. Je me souviens que nous avons fait prisonniers de jeunes gamins, endoctrinés dans les camps d’Hitler. On aurait dit qu’on venait de les enlever à leur mère. Beaucoup de jeunes ne voulaient pas se rendre et furent tués. Neuf jours plus tard, les hommes-grenouilles de la Navy ont débarrassé le port des mines afin de permettre l’accès de tous les navires d’approvisionnement. Cherbourg est devenu alors le port le plus actif du monde.
En vue de libérer Saint-Lô, nous avons ensuite engagé la bataille dans le Bocage, au cours de laquelle notre pilote de char a eu les deux jambes arrachées. J’ai dû prendre sa place pour le reste de la guerre.

Ensuite, c’est la libération de Paris…
 Oui, la 4e division a progressé vers Paris, libérant des dizaines de communes au passage. Le 24 août, jour de mes 29 ans, l’ordre tombe : « Vous allez libérer Paris ! ». Le lendemain, nous sommes entrés avec les chars dans les faubourgs de la capitale. Le nôtre n’a pas même pas eu un coup à tirer. Nous sommes restés à l’arrêt durant quatre jours et nous avons dansé dans les rues avec la population. Nous étions pourtant très sales : comme nous devions être toujours prêts à partir, nous vivions et dormions dans les mêmes tenues depuis le Débarquement.

Irrespirable
Libération du camp de Dachau :
soldats américains devant un charnier.
Allemagne, 29 avril 1945 / Mémorial de la Shoah.

Vous attendiez-vous à ce que vous alliez découvrir des mois plus tard à Dachau ?
Non, surtout que nous sommes tombés dessus par hasard. Nous avons commencé à sentir une odeur de ferme. Mais il n'y avait rien autour. C'était quelque chose d'autre. Ça venait de ma droite et j’ai demandé à mon commandant de bien regarderdans cette direction. Plus nous avancions, plus l'odeur devenait forte, irrespirable. Nous avons fini par localiser de vieux bâtiments en ruine. J’ai arrêté mon char et j'ai vu un nombre de  cadavres incalculables, vingt ou trente mille, nus, empilés les uns sur les autres. On m’a demandé par radio pourquoi nous nous étions arrêtés. Je leur ai dit qu'il se passait quelque chose ici, quelque chose d'horrible. Je suis sorti du char et, en tournant la tête, j’ai aperçu des détenus qui avançaient dans notre direction. Ils ne parlaient pas, ne souriaient pas, mais ils étaient encore en vie. Trois nouveaux chars sont arrivés derrière le mien. On m’a redemandé la raison de cette halte. J’ai alors répondu que je ne bougerai pas mon char avant que quelqu’un vienne s’occuper de « ça », que je n’avais pas les mots pour le dire.